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Rétrospective...
Le phénomène de l'achat et de la restauration de riads et de dars (maisons) par des particuliers, souvent étrangers, dans le but d'en faire une maison d'hôtes a véritablement débuté à Marrakech au début des années 90. A l'époque, le choix en maisons était varié et les prix attactifs, mais le mouvement prit une telle ampleur plus tard que les tarifs de l'immobilier ancien dans la médina ont explosé. Les acheteurs se sont alors orientés vers d'autres villes comme Essaouira ou Taroudant.
Nous mêmes sommes "tombés" par hasard dans ce genre de projet un jour de 1998, alors que nous étions en touristes à Essaouira. Nous n'étions même pas au courant de ce phénomène et l'avons découvert quand certains nous demandaient dans la rue "voulez-vous acheter un riad ?". Nous étions alors loin du sujet mais par curiosité, nous avons accepté de nous faire conduire par ces "agents immobiliers" improvisés, plus communément appelés rabatteurs. Pourtant, nous avons été émerveillés par certaines maisons qui, bien que ne payant pas de mine de l'extérieur, dévoilaient à l'intérieur de leurs murs toute leur splendeur, certes passée pour la plupart, mais avec un potentiel certain. Par contre, nous étions impressionnés par l'ampleur des travaux nécessaires.
C'est la veille de notre départ qu'on nous proposa la visite d'une maison qui allait être notre coup de coeur. Certes, elle ne nous conquit pas au premier regard par son aspect austère de l'extérieur comme de l'intérieur, mais elle était située au bord de l'océan, accolée à la muraille d'enceinte de la ville et quand nous montâmes sur sa terrasse, nous fûmes subjugués par la vue qui s'offrait à nous. En plus, c'était juste au moment du coucher du soleil sur la mer. Hasard ou stratégie de l'agent...?
Deux mois plus tard, nous signions un compromis de vente et peu de temps après, l'acte lui même, et ce fut en Juin 2002, après de longs travaux, que fut ouverte notre première maison d'hôtes appelée Dar Al Bahar, la maison de la mer. Nous n'étions pas des professionnels du tourisme mais nous avons appris "sur le tas".

Après Essaouira, Fès...
Riad Sabah est la continuité de notre premier projet. Après quelques années, nous avons voulu relever un nouveau challenge. Par contre, vu l'ampleur du phénomène des maisons d'hôtes, les autorités au Maroc éxigent désormais la présence au sein du personnel d'un professionnel du tourisme. Cela tombe bien, notre fille est titulaire d'un BTS de la spécialité, pourquoi ne pas lancer un nouveau projet de maison d'hôtes ?
A Marrakech, après quelques investigations, nous abandonnons vite nos recherches car les riads anciens non rénovés deviennent une denrée rare...et chère. Alors nous pensons à Fès, pas encore trop touchée par le mouvement et ville au potentiel architectural et culturel immense.
Ainsi nous arrivons ma fille et moi à Fes, en ce chaud mois d'août 2007. La valse des visites commence, le choix est grand en dars mais ici aussi, les grands riads sont déjà devenus rares. En fin de séjour, nous visitons 2 riads, le premier très grand et bien situé dans le quartier Zyat, avec une vue magnifique sur la médina, mais dont l'ampleur des travaux nous effraie un peu et le second situé non loin du Talaâ Kebira, à 5 minutes de Bab Boujloud, un peu plus petit mais en meilleur état. La propriétaire nous accueille en nous disant qu'elle vient juste d'être opérée et qu'elle sort de l'hôpital, qu'elle voulait pour cette raison annuler toutes les visites. Nous avons donc de la chance car nous partons demain.
Nous avions dèjà le sentiment qu'à cette période, l'immobilier commençait à flamber à Fès aussi et que si nous revenions plus tard, nous ne trouverions plus les mêmes offres et plus aux mêmes prix. Pourtant, nous étions venus à Fes seulement pour des investigations. Alors nous demandons un deuxième rendez-vous pour ce riad et comme le prix nous convenait, nous donnons notre accord de principe. Un mois plus tard, nous signerons un compromis chez un adoul, le notaire traditionnel du Maroc.
Bien plus tard, nous apprendrons que Sabah, la propriétaire du riad, avait eu bien d'autres offres avant et après la nôtre et même à des meilleurs prix, mais elle a tenu sa promesse envers nous sans défaillir. Qu'elle en soit ici remerciée.
J'ai appris aussi par d'autres, des voisins ou des amis, que j'avais eu de la chance avec ce riad et que les acheteurs potentiels se pressaient à la porte de Sabah. Quand je lui ai demandé pourquoi elle m'avait "choisi", moi, elle me répondit "parce que tu me rappelles papa", son père tant aimé et décédé 2 ans auparavant. Et effectivement, quand je me suis présenté chez l'adoul le jour de la signature de l'acte définitif en mars 2008, certains dans l'assemblée des nombreux ayants-droit présents ce jour là m'avaient pris pour un héritier inconnu surgi à la dernière minute vu ma ressemblance avec le défunt propriétaire !
L'acte signé, il fallait désormais mettre en place le cadre et les acteurs du projet. Le cousin de Sabah, ingénieur à l'arrondissement, connaissant beaucoup de monde, me mit en contact avec l'architecte Amrani Abourouh, l'ingénieur BTP Bennani Khalid et l'entrepreneur Rachid Bouabdellaoui, les trois spécialisés dans la rénovation traditionnelle. Ensemble, nous avons élaboré le projet de restauration du riad, les plans et les descriptifs des travaux ont été réalisés et la demande de permis de construire déposée.
Il a fallu 8 mois pour l'obtention de ce permis, toujours difficile à obtenir dans cette zone sensible qui est la médina de Fès. Sabah s'était spontanément proposée de nous aider et de suivre nôtre dossier et sa contribution a été précieuse et déterminante. Qu'elle en soit de nouveau remerciée ici.

Riad Sabah, début des travaux
Le choix du nom du riad s'est imposé de lui même, Riad Sabah, en hommage à son ancienne propriétaire. De plus, "sabah" signifie "matin" en arabe, symbolisant le commencement d'une grande aventure.
Ainsi, en avril 2009, je signai le contrat des travaux de gros-oeuvre avec Rachid l'entrepreneur et l'ouverture véritable du chantier se fit le 1er juin avec une quinzaine d'ouvriers dont la moitié de maâlems (ouvriers qualifiés).
Dans un premier temps, il fallait procéder au décapage complet des murs, intérieurs comme extérieurs, afin d'évaluer l'état de la structure et de pouvoir traiter les éventuelles fissures. Préalablement, toutes les parties à préserver (zelliges, motifs en plâtre, menuiserie) ont été protégées par des panneaux en mousse polyuréthane et entourées de toile plastique. Pour les sols en zelliges devant être refaits, les carreaux ont été déposés, triés et mis en sacs, les zelliges trop usés étant éliminés. Plus tard, nous réutiliserons ces zelliges anciens dans la mesure du possible. Pour les sols en zelliges à conserver, on applique en protection une fine chape de chaux consolidée par de la filasse.
L'ancienne fontaine du riad, qui est placée presqu'au milieu du patio, gênera plus tard à la construction de la piscine, donc elle est détruite mais sa vasque est récupérée.
Les plafonds dans le riad sont traditionnels, c'est à dire réalisés à l'aide de poutres en cèdre espacées d'une dizaine de centimètres et recouvertes d'un voligeage de planches de cèdre également sur lesquelles est appliquée une couche de terre bien damée d'une quarantaine de centimètres appelée markouz. Les zelliges de l'étage supérieur sont donc placés sur une fine couche de mortier de sable et de chaux au dessus du markouz. L'avantage de cette technique traditionnelle est le haut pouvoir d'isolation phonique et thermique, l'inconvénient en est le poids important sur les solives. D'ailleurs celles ci ont flêchi sous la charge et la plupart doivent être changées vu que également la partie encastrée est très souvent pourrie.
Nous décidons de refaire les plafonds à l'ancienne avec la même technique du markouz, mais en augmentant la section des nouvelles solives pour éviter un flêchissement ultérieur. La tentation est grande de réaliser une dalle en béton armé et de placer éventuellement un faux plafond en bois afin de donner un aspect traditionnel mais nous préférons une restauration honnête qui a d'ailleurs son avantage car plus tard dans la maison d'hôtes, les climatiseurs devront moins souvent être mis à contribution. Nous voulons par la même occasion réaliser un hôtel écologique où les économies d'énergie (isolation) et l'utilisation d'énergie renouvelable (panneaux solaires, pompe à chaleur) seront à l'ordre du jour.
Pendant tout le mois de juin 2009 et une partie de juillet, les ouvriers s'affairent au décapage des murs. A cette occasion, nous découvrons qu'une façade entière du riad est en pisé. Cette technique ancestrale consistait à faire un coffrage en planches de bois, à y introduire un mélange de terre humide, de pierres et d'un peu de chaux et à bien tasser le tout. Après décoffrage et séchage, le mur ainsi réalisé, s'il a une largeur suffisante, est trés solide et peut s'élever à plusieurs mètres et supporter des charges.
Notre architecte qui supervise aussi les travaux de réhabilitation de la muraille d'enceinte de la ville, est catégorique: ce mur est une partie de cette muraille édifiée sous les Mérinides il y a plus de 6 siècles. D'ailleurs le bordj, la tour carrée qui dépasse de notre terrasse, en est le témoin. Nous qui pensions que seule cette tour était de cette époque ancienne, nous voilà avec un pan de muraille complet ! D'ailleurs on peut dégager facilement les trous typiques de cette construction que l'on peut voir partout à Fès et qui servent de nids à des milliers de martinets. Ces trous étaient construits afin d'y placer des étais d'échafaudage pour la construction et l'entretien de la muraille mais aussi pour aérer l'intérieur du mur. Ils sont trés profonds car je me charge d'en dégager quelques uns et je peux y introduire tout mon bras, preuve de l'épaisseur du mur. L'architecte me propose de conserver cette partie ancienne en la rénovant en pisé et en gardant les trous tout comme dans l'enceinte de la ville. C'est sûr, ce serait un plus dans notre hôtel que d'avoir un mur historique apparent, encore faut-il que cela s'accorde avec la future décoration, surtout dans une chambre. Bonne idée, à méditer.
Le reste des murs du riad est un mélange hétéroclyte de briques pleines et creuses et de pierres, le tout scellé par un mélange de sable et de terre sans mortier. Certaines parties plus récentes sont en briques creuses scellées au ciment gris.
Alors que le riad est bâti en grande partie de façon traditionnelle, la mesriya (maison attenante construite pour le personnel) a été réalisée en béton armé, preuve que celle ci est une construction bien plus récente que le riad. D'ailleurs cette mesriya est très mal conçue, avec de multiples escaliers dans tous les sens et une grande perte de place. Les pièces y sont minuscules et asymétriques, preuve que son concepteur devait être bien mal inspiré. L'architecte a prévu de la démolir entièrement et de la reconstruire d'après un plan mieux étudié pour un hôtel, avec un puit de lumière central et un patio, chaque chambre donnant sur ce patio. Et comme sa terrasse est située en dessous de celle du riad, elle sera mise au même niveau. Elle sera réalisée en béton armé et sera donc la seule partie construite de manière moderne.
Pour le reste nous excluons le ciment et faisons tout à la chaux. Certains pans de murs fissurés ou en mauvais état sont consolidés par un habillage de briques pleine. En travers des fissures et aussi dans les angles, les maçons placent des poutres en bois d'un mètre environ entre les briques afin d'éviter que le mur ne se fende de nouveau.
Comme nous utilisons une grande quantité de ce mortier à la chaux, les ouvriers ont construit la "piscine" comme ils l'appellent, c'est à dire un grand bassin hors-sol au milieu du patio du riad. Le sable et la chaux sont mélangés à sec puis placés dans ce bac, arrosés d'eau et recouverts d'une bâche plastique. La chaux réagit alors avec le sable et l'eau et s'éteint lentement. Le mélange n'est prêt à l'emploi qu'au terme de ce processus qui doit idéalement durer plusieurs mois mais les impératifs du chantier ne nous permettent pas d'attendre si longtemps, alors on utilise toujours la partie du mélange la plus ancienne de la piscine. Ce sable est d'une belle couleur jaune qui donne l'aspect caractéristique des façades des maisons de Fès.

Attention, termites...
24.07.2009: je me promène dans le riad vide en fin de journée après le départ des ouvriers et par hasard, je découvre dans un coin une des nouvelles solives en bois de cèdre et qui est complètement attaquée par des vers ou des termites. Alarmé par cette découverte, je me rends à l'endroit où travaille le menuisier et où il coupe les solives à placer. Il a dèjà réalisé le remplacement de la moitié de celles du salon. J'examine les bouts qui restent et je suis stupéfait de constater qu'une partie non négligeable de ces chûtes est garnie de galeries d'insectes. Dans la plupart, j'observe que les galeries sont visibles d'un côté, mais pas de l'autre, preuve que le parasite est encore à l'intérieur ou a fait demi-tour, donc que le menuisier a bien éliminé la partie atteinte. Mais dans certaines, des trous sont visibles de part et d'autre du morceau, ce qui signifie que l'insecte a poursuivi sa route et est à présent dans la solive que la menuisier a installée. J'appelle immédiatement Rachid car le problème est grave, je ne peux accepter une charpente contaminée dès le départ et qui le sera entièrement au fil des années, même si seulement quelques exemplaires des poutres sont à présent atteints.
Une heure plus tard, il arrive au riad et doit bien se rendre à l'évidence. Demain, il devra tirer les oreilles au menuisier qui a dû fermer les yeux devant le problème. Il est clair, la partie du plafond déjà refaite devra être complètement démontée et éxaminée et j'exigerai dorénavant de vérifier personnellement chaque pièce de bois qui sera installée car la confiance n'y est plus.
25.07.2009: les poutres sont démontées et effectivement certaines contiennent des galeries de parasites. Ouf, j'ai eu chaud, je viens d'éviter un problème majeur. Désormais, je vais examiner chaque solive et la viser sur le bord. Seules celles portant ma signature pourront être placées.

Des murs en pisé
26.07.2009: les maâlems commencent l'habillage du mur de pisé par des briques pleines dans la future chambre de l'étage. En effet, je redoute qu'une finition en pisé ne soit pas très pratique et facile à intégrer à la décoration. De plus, je me suis aperçu qu'une pièce au rez de chaussée accolée à ce mur, encore épargnée par la restauration et qui me sert à présent de chambre, a tendance à être humide et sent le moisi quand elle reste fermée un certain temps. Donc je préfère ne pas prendre de risque et nous optons pour un habillage en briques pleines du mur de pisé dans les pièces mais dans le couloir à l'étage qui sera ouvert sur le patio du riad et donc bien ventilé, nous ferons une restauration en pisé traditionnel. Toutefois dans les chambres, nous conservons les trous qui resteront les seuls témoins de ce mur ancien. En bas, juste à l'entrée du patio, je choisis de décaper le mur ancien des couches successives de crêpis et de plâtre et de le garder dans l'état sans aucun enduit. Nous garderons ainsi un témoin de ce mur historique construit à la fin du Moyen Âge. Je me charge moi même de cette partie, dégageant bien les orifices dans lesquels je trouve toutes sortes de restes de nids d'oiseaux et de souris, des grains, des lambeaux de papier jauni, et même un squelette de lézard. Dans le pisé, on peut voir entre autres des morceaux d'os, des coquillages, des fragments de poterie, du charbon de bois et des lambeaux de tissus, preuve que les ouvriers de l'époque devaient se débarasser de toutes sortes de déchets du chantier et des restes de leurs repas en les mélangeant au pisé et en les emmurant.
Je dégage les trous à la main et à la fin, tout mon bras y disparait mais le chef de chantier m'arrête bien vite: il peut y avoir un serpent au fond ! Je l'écoute, incrédule, pensant que ces trous ont été fermés depuis longtemps mais il me raconte que récemment, sur un autre chantier de la médina, les ouvriers ont débusqué un serpent de 1,50m de long caché dans une fissure de mur. Et c'est vrai que d'un côté, cette fissure pouvait bien être colmatée mais elle devait être ouverte de l'autre côté. Avec mes trous, c'est la même chose, ils sont bien fermés du côté du riad mais le sont-ils de l'autre côté et sinon, comme ils traversent tout le mur, sur quoi donnent-ils ? Peut être chez un voisin; mais aussi sur un jardin ou un terrain vague. D'ailleurs les ouvriers qui nettoient les trous de la chambre à l'étage le font avec un long burin ou un bout de bois, jamais à la main.
Une fois, dans la chambre de l'étage justement, un maâlem, en dégageant un trou, me fait voir une légère lueur à l'intérieur. Il a traversé le mur de part en part et nous voyons une fenêtre de l'autre côté. Oups, nous sommes arrivés dans une pièce d'un voisin ! A cet endroit donc, le mur est beaucoup moins épais, à peine quarante centimètres alors qu'un peu plus loin, il l'est beaucoup plus. L'ouvrier m'explique que les gens de la médina grattent parfois les murs afin d'agrandir un peu une pièce. Une chose est sûre, cela n'a pas été fait du côté du riad car les murs sont bien alignés. Nous colmatons donc bien vite la brêche et si le voisin vient se plaindre, je lui dirai qu'il n'avait qu'à pas gratter son mur...

La vie au riad
27.07.2009: depuis mon arrivée sur le chantier, je loge dans une petite pièce du rez de chaussée que Sabah utilisait comme bureau et où elle a eu l'amabilité de laisser un canapé, une table et une chaise, le confort minimal certes mais qui me suffit et qui m'évite les frais d'hôtels.
Cette chambre, comme je l'ai dit, sentait énormément le moisi à mon arrivée vu qu'elle était restée fermée longtemps, mais à présent, cela va bien mieux. La chambre a été épargnée par les ouvriers ainsi que l'unique salle de bains du riad, je jouis donc d'un confort certes sommaire mais suffisant. De plus, cette chambre reste fraîche la nuit, ce qui est très appréciable, d'ailleurs cela concerne tout le rez de chaussée. Par contre à l'étage et surtout sur la terrasse, les chambres devront être bien isolées sinon elles devront être constamment climatisées en été et chauffées en hiver. Nous voulons certes prévoir un système de régulation de la température dans l'hôtel (climatisation et chauffage) mais mieux vaut prévenir que guérir.
Vivre dans un riad présente beaucoup d'avantages. Dès que vous quittez le va et vient et le brouhaha de la médina, vous vous trouvez au calme dans un hâvre de paix propice à la méditation. Les arbres du patio attirent une multitude d'oiseaux dont le gazouillis et le froissement d'ailes dans les feuilles détendent complètement. La fontaine du riad a été démontée depuis le début des travaux et mise en lieu sûr. Auparavant, les oiseaux allaient s'y désaltérer et s'y baigner et je pouvais passer des longs moments à observer leurs ablutions.
Mais leur présence a un inconvénient. Chaque matin, avant les travaux et lorsque les zelliges recouvraient encore le sol du patio, je pouvais ramasser une bonne pelletée de leurs déjections...
En outre, le matin, je suis systématiquement réveillé par un couple de pigeons qui commencent à roucouler ponctuellement vers 6 heures, donnant le départ du concert des autres oiseaux, merles, moineaux et autres passereaux. Bon, être réveillé par le chant des oiseaux, c'est aussi très romantique. En outre, on entend à peine les appels à la prière dans le riad, la mosquée Bouanania la plus proche étant à environ deux cents mètres. Si je suis éveillé, j'entends le matin le chant du muezzin mais le son reste lointain.
Le pire à Fès pour le niveau sonore se situe dans les rues commerçantes des deux Talaâ, les plus animées de la médina. Je me souviens d'une nuit d'août 2007 passée dans un des hôtels du Talaâ Seghira, la fenêtre de la chambre donnant sur la rue et devant rester ouverte à cause de la chaleur. Toute la nuit, des éclats de voix, des rires et des bruits de scooter m'avaient tenu éveillé. Heureusement notre riad bien que situé à une minute à pied du Talaâ Kebira est parfaitement préservé car le Derb Bensalem où il se trouve se termine en cul de sac et la nuit, personne n'y passe si ce n'est quelques riverains.

Une découverte...
28.07.2009: il fait un temps de canicule depuis une dizaine de jours à Fès et dans tout le Maroc, d'ailleurs, mais aujourd'hui dépasse tous les jours précédents. On prétend que les autorités indiquent quelques degrés en moins pour ne pas faire fuir les touristes...Les ouvriers parlent de 46 degrés à l'ombre et les rares courants d'air sont comme un sèche-cheveux que l'on retournerait contre soi. Ceux qui travaillent à l'ombre sont les plus chanceux, quant aux autres, ils doivent supporter au soleil des températures extrèmes.
Ce soir, alors que tout le monde a quitté le chantier, je monte au pied du bordj et décide de dégager les deux derniers trous du mur. On distingue aisément le colmatage récent, c'est à dire datant de l'époque de la construction du riad ou du moins de sa dernière rénovation. Je trouve dans le premier les détritus habituels, restes de nids, coquilles d'oeufs et autres mais dans le second, derrière le dernière brique qui l'obstrue et qui cède sous les coups de mon burin, je découvre, plié en deux dans le sens de la longueur, un magazine au papier jauni mais en parfait état de conservation si ce n'est les premières pages grignotées par des vers ou quelque souris. Il s'agit d'un catalogue des Galeries Lafayette de Paris. On y trouve un peu de tout, des articles d'hygiène, des fournitures d'ameublement, des bijoux, des appareils ménagers, des habits et sous-vêtements de dame, ...etc, chaque article dessiné, avec une description et son prix. Il comporte environ 80 pages, mais n'est pas complet car il manque les premières pages dont la couverture, et les dernières aussi sont déchirées. Dommage, je n'y découvre aucune date mais il doit dater de la Belle Epoque vu le style des dessins et la forme des vêtements des dames, cheveux courts et bouches en coeur.
Ainsi l'ouvrier qui a refermé ce trou a tenu à laisser une trace de son passage en choisissant le meilleur témoin de son temps qui était ce catalogue et a voulu faire un petit coucou à celui qui allait un jour le réouvrir, moi en l'occurence. Maâlem, toi qui a bien voulu me faire ce clin d'oeil, si tu me regardes du paradis des maçons, je te salue.

La vie au chantier
Je commence à bien connaitre les ouvriers à présent. Au début, ils n'étaient pas très naturels et semblaient presque gênés par ma présence continuelle, mais depuis un certain temps, ils vaquent à leurs occupations habituelles et je peux observer à ma guise ce microcosme qu'est un chantier.
Il y a Abdessalam, le chef, toujours en pantalon et souliers de ville, sa casquette vissée sur la tête. Il ne travaille pas manuellement et est là seulement pour surveiller les ouvriers, les réprimander s'il le faut et les pousser un peu au travail quand il le juge nécessaire. Il est tout à fait libre de ses mouvements, disparait à 10 h pour le ftour, le petit déjeuner, ou pour un autre motif personnel. Le vendredi, il s'absente pour aller à la mosquée. Il parle assez peu le français, nous communiquons donc dans un pauvre mélange d'arabe et de français.
Il y a aussi Driss, le contrôleur. Son travail consiste à enregistrer les ouvriers présents et à les payer le samedi. Il enregistre aussi, avec Rachid, les métrés des travaux effectués. Il est certes responsable de tous les chantiers mais comme en ce moment, Rachid n'en a que deux, crise oblige, il n'a pas grand chose à faire. Le matin donc, il arrive vers 9 h, note les noms des ouvriers présents et passe ensuite une bonne partie de son temps assis sur un sac de ciment. Il s'absente au cours de la journée pour aller à l'autre chantier et doit y faire probablement la même chose. Il a la cinquantaine, parle bien français et c'est à lui que je pose mes nombreuses questions, techniques ou autres.
Parmi les ouvriers, il y en a qui franchement s'économisent le plus possible à la besogne. Il y a Said, le responsable de la piscine. Il tamise sans cesse le mélange de sable brut venant de la carrière pour le séparer de ses cailloux, puis le mélange à la chaux et le transvase dans la piscine. Ensuite il arrose le tout et mélange inlassablement. Il donne deux ou trois coups de pelle au maximum puis se repose longuement sur son manche, lançant à l'entour un regard plein d'ennui. Il est souvent la cible d'Abdessalam qui hausse le ton à son encontre, l'exhortant à plus d'ardeur à la tâche.
Il y a aussi Abdallah. Lui, c'est l'arroseur attitré. Dès qu'il le peut, il prend un tuyau d'eau et arrose le sol poussiéreux. Il est vrai, cela diminue considérablement la quantité de poussière en suspension dans l'air et améliore le confort général du chantier mais son action n'est pas très productive et Abdessalam ne s'y trompe pas et le poursuit également.
Il y a Khlafa, un solide Saharien d'Erfoud souriant et poli, géant au doux regard, toujours à la tâche, lui, et dont les gestes lents témoignent plus de sa précision dans le travail et de sa concentration que de la paresse. On le place toujours aux postes en plein soleil vu sa résistance à la chaleur et à son caractère débonnaire. C'est aussi un excellent maâlem à qui l'on confie la construction des angles de murs où la moindre erreur d'aplomb serait sanctionnée même par un oeil de néophyte.
Un autre maâlem, Ahmed, tient toujours à me donner des tas d'explications sur toute sorte de sujets. Il possède un très large vocabulaire en français, avec des mots compliqués dont il ne semble pas toujours maitriser le sens, ce qui fait que parfois ses explications consistent en de longues phrases qui n'ont aucun sens. J'ai parfois le sentiment qu'il a appris le français dans un dictionnaire.
29.07.2009: aujourd'hui, en fin d'après midi, j'entends des éclats de voix à l'étage et les ouvriers du rez de chaussée se précipitent dans les escaliers. Je crois d'abord à une rixe entre ouvriers, mais il s'agit en fait d'un voisin, perché sur le bordj et qui arrose copieusement les ouvriers d'un flot de paroles rageuses que je pense être des insultes vu le ton qui monte en crescendo. Je demande à Driss de m'expliquer et en fait, ce voisin est furieux du bruit des coups de burins des ouvriers qui restaurent le mur de pisé de la chambre attenante au bordj. Un des ouvriers lui donne la répartie et il s'ensuit une joute verbale haute en décibels. Moi, je reste en bas et me garde d'intervenir. Cette altercation dure environ cinq minutes puis le ton baisse et le calme revient peu à peu.
J'ai déjà entendu parler de ce voisin. Il occupe au rez de chaussée de la rue, juste sous le bordj, une boutique d'instruments de musique. Manquant d'espace vital, il a commencé à s'agrandir dans le sens de la hauteur, à l'intérieur du bordj. La muraille, les tours d'armes, les bordjs et les chemins de ronde appartiennent certes à la ville, mais certains bordjs ont été au fil du temps colonisés par les riverains, le nôtre n'échappant pas à la règle. Ce voisin a donc aménagé l'intérieur de la tour pour y entreposer son matériel. Jugeant que le local était sans doute trop sombre, il a tenté un jour d'ouvrir une fenêtre dans la partie haute et a débouché sur la terrasse du riad, à vingt centimètres du sol.
A l'époque, Sabah y habitait encore, mais elle ne s'était pas immédiatement aperçue de cette intrusion, ne montant que rarement à la terrasse, mais un jour, déjouant le forfait, elle avait créé tout un scandale, avait fait venir le caïd et avait eu évidemment gain de cause. Le contrevenant avait été condamné à reboucher sa fenêtre au plus vite, ce qu'il fit aussi.
Plus tard, ayant appris la vente du riad et profitant du calme qui y régnait, il avait recommencé l'opération en perçant une nouvelle fenêtre. Il ne s'imaginait pas qu'il allait s'attirer de nouveau les foudres de la même Sabah qu'il croyait disparue à jamais. Le scénario fut exactement le même, esclandre sur la terrasse, arrivée du caïd et punition du contrevenant, plus lourde cette fois ci. Aujourd'hui, il laisse donc éclater sa rage et sa rancoeur.
Une heure plus tard, je vois entrer un homme portant des bouteilles. Apparemment il connait les lieux car il traverse sans hésiter le riad et monte immédiatement à l'étage. S'ensuit alors une discussion aux intonations amicales qui finit en serrages de mains et en embrassades. Driss me raconte que c'est le même voisin qui est venu s'excuser du scandale qu'il a créé tout à l'heure et il a même amené des jus de fruits aux ouvriers.
Sa colère passée, il a dû réfléchir à son acte et redouté que cela puisse encore se retourner contre lui, il a donc mis sa fierté en berne et est venu faire oublier son geste.
Tout est bien qui finit bien.


Le riad avant la restauration

Puis ouverture du chantier le 01.06.2009...


Protection des parties à conserver par des panneaux de mousse


Décapage des murs


Dépose de la fontaine


Protection des zelliges du sol par de la chaux renforcée de filasse


Dépose des zelliges muraux


Dépose des zelliges du sol


Plancher traditionnel en markouz


Réfection complète d'un mur très endommagé


L'ancien bordj datant de l'époque mérinide


Le mur en pisé est doublé de briques pleines


Traitement de fissures


La "piscine", le bac à chaux


La chaux est mélangée au sable


Renforcement d'un soubassement


Renforcement d'un pilier


Le mur en pisé est habillé de briques


Pose de gabarit pour l'arrondi d'une porte


Abdessalam le chef de chantier


Driss le contrôleur


Said, responsable de la "piscine"


Abdallah prépare du mortier de chaux


Khlafa le Saharien


Ahmed prépare le ferraillage d'une dalle


Après décapage des murs, les fissures sont bien visibles


Vue du patio en chantier


Travail d'équipe pour la construction d'un mur

Le Riad Sabah est une maison d'hôtes construite dans la médina de Fès au Maroc. Elle comprend plusieurs suites et des chambres. Au Maroc à Fez, les hotels, les maisons d'hotes et les ryads sont à la disposition des voyageurs. On a la possibilité de location d'une suite, d'une résidence au coeur de la médina, on peut opter pour un logement de charme avec des chambres spacieuses. Le Riad Sabah, une maison d'hotes dans la médina de Fès tout près de Bab Boujloud et du Talaa Kbira avec des chambres et des grandes suites. A Fez au Maroc, à 5 minutes à pied de la porte Bab Boujloud, des maisons d'hôtes et riads avec vue sur la médina et hébergement dans des appartements et un logement avec des chambres.

Fès / Fez (Maroc), des riads ou maisons d´hôtes dans la medina.
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